Alors, c’était bien ???

A l’heure d’entamer une nouvelle aventure sur les routes d’Asie centrale, voici  un retour plus personnel sur les 9 mois passés en Amérique du sud, qui reprend un peu les questions qu’on nous pose le plus fréquemment. Et en bonus à la fin, une petite vidéo qui retrace ces 9 mois magiques dans des paysages magnifiques…

Alors, le vélo ?

Du nord du Pérou au Sud du Chili (en passant par la Bretagne et la Belgique, logique !), nous aurons parcouru en tout et pour tout et « seulement » 5400 km sur nos vélos. Je dis seulement car on aurait pu pédaler au moins le double si nous n’avions pas pris des bus, train, collectivos, auto pour avancer. Avant de partir, nous n’étions pas de grands cyclistes, nous ne pratiquions pas tous les jours, ni même tous les week-end, ni même toutes les vacances. C’est le goût du voyage qui nous a conduit vers le vélo, et non l’inverse. Alors, sommes-nous satisfaits de ce choix ?

Oui, oui et encore oui ! Si les débuts n’ont pas été très faciles, avec quelques soucis mécaniques et un temps d’adaptation nécessaire, aujourd’hui, on ne regrette pas une seconde, voir même, on ne s’imagine plus voyager autrement. En vélo, on découvre les pays différemment, plus lentement. On est présent au monde, on ne fait pas que le traverser. On s’imprègne de la vie des bords de route, des villages et villes traversés. Le vélo, c’est un voyage sensoriel en plusieurs dimensions : olfactif, auditif, visuel… et « physique » quand les aspérités de la route nous secouent, quand la pluie nous glace, quand le soleil nous brûle par exemple. On ne fait pas que visiter un endroit, on le vit pleinement. C’est précisément pour ça qu’on a eu envie de voyager à vélo, et nous ne sommes pas déçus.

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Le vélo, c’est aussi l’occasion des rencontres de bord de route, des échanges sympathiques, des sourires partagés. Le vélo nous octroie généralement un capital sympathie non négligeable des personnes rencontrées en route. Les locaux sont souvent assez surpris et « admiratifs » de l’effort consentit et fiers qu’on prenne le temps de découvrir leur pays, en dehors de ses hauts-lieux touristiques. Si on était assez agacés par les personnes qui nous stoppaient sur la route pour nous prendre en photo sans nous demander ni nous dire bonjour ni merci, agacés aussi par les camions qui nous frôlent et nous klaxonnent dans les oreilles pour dire « bonjour », on était la plupart du temps galvanisés par les sourires, les salutations et les encouragements ! Ce sont de vrais carburants pour avancer. Alors évidemment, se sont des moments très furtifs, on répond parfois aux questions en roulant, on ne s’arrête pas à chaque fois. Mais ce sont ces petits échanges humains qui rendent le voyage plus riche.

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Et puis, en vélo, on avance ! Pas à la vitesse d’un bus ou d’une voiture, mais on avance bien quand même et suffisamment par rapport au temps dont on dispose pour découvrir les endroits traversés. Nous avons soigneusement choisi, au fil de la route et des rencontres, les portions que nous avions envie de faire à vélo, et celles que nous allions effectué en bus. Nous nous sommes ainsi concentrés sur des endroits qui nous semblaient être particulièrement beaux et opportuns à découvrir à vélo. Car les rencontres et les paysages, c’est ça qui nous motive, et pas le nombre de km au compteur. On n’est pas des amoureux du vélo en tant que sport donc quand les routes sont peu agréables, monotones, on a du mal à se motiver 😉

Mais vous ne faites pas que du vélo ?

C’est aussi ça qu’on a compris : pour tenir dans la durée, il faut s’écouter. Quand on sent une fatigue physique ou morale, on s’arrête au moins une journée, même si le coin n’est pas le plus chouette du monde. Ou alors on ralenti et on fait de plus petites journées. Ou alors, on opte pour le saut de puce en prenant un bus ou en faisant du stop. Ou alors on cherche une chambre pour dormir plutôt que de planter la tente. Bien évidemment on se « challenge » personnellement, en dépassant un nos limites, mais il ne faut pas que ça devienne la règle. J’aurai trop peur d’être « dégoutée » par le voyage en me forçant trop, je ne suis pas une sportive, pas là pour la performance. Le voyage est un plaisir et doit le rester. Même si Benoit est plus sportif que moi, on se rejoint vraiment sur ce point.

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Et finalement, vous vous supportez ?

S’écouter, et pas seulement par rapport à l’effort, mais dans notre vie de couple aussi. Ben oui, je ne crois pas que ce soit évident pour qui que ce soit de vivre 24/24 et 7/7 ensemble. C’est même au-delà de ce qu’on peut vivre à la retraite 🙂 ! Durant le voyage, il n’y a pas de journée où nous soyons séparés, on n’a pas chacun ses activités, pas de bulle d’intimité. On partage vraiment tout. Les premiers mois n’ont pas été si faciles et nous ont vraiment demandé de trouver un nouvel équilibre dans cette vie à deux. C’était une grande période de changement, dans un endroit nouveau où nous n’avions pas de repères, avec tout le stress et les angoisses que ça peut engendrer : un nouveau quotidien à s’inventer, de nouvelles tâches (et oui, habituellement, on ne démonte pas et on ne remonte pas notre maison tous les jours) qui se répartissent naturellement mais petit à petit, un nouveau rythme de journée… Il y a eu des moments de tensions, de ras le bol, de questionnements. On s’est même demandé si on allait réussir à se supporter et à aller jusqu’au bout ! Et puis, chemin faisant, on a appris à mieux s’écouter, à être moins exigeant pour l’un, plus investit pour l’autre, trouver un équilibre dans lequel on se sent complices et complémentaires pour aller de l’avant. Ça y est, on est une équipe dans ce voyage, et on espère bien que les bases qu’on construit ici nous consoliderons pour l’avenir ! Rassurez-vous les amis, on ne change pas, on se prend toujours autant la tête, on s’énerve, on boude, on souffre toujours de mauvaise foi maladive et on est toujours prêts à tout quitter au milieu de rien juste sur un coup de nerfs ! Elle est comme ça notre équipe !

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Et l’Amérique du Sud ?

Quant à notre itinéraire, pour le moment on ne regrette rien. Le Pérou, la Bolivie, le Chili, l’Argentine sont extraordinaires. On a vraiment eu beaucoup de plaisir à les traverser et ils nous en ont mis plein les yeux. On connaît ces paysages pour les avoir vu en posters, en photos, à la télé, mais y être plongé est radicalement différent. On se sent presque tout le temps infime tant la nature est exubérante de couleurs, de reliefs, de formes. C’était au-delà de ce qu’on avait pu imaginer, même dans les endroits les plus touristiques comme Torres del Paine, le Machu-Picchu ou le Perito Moreno. Peut-être que si c’était à refaire on aurait privilégié un séjour plus long sur le continent, pour pouvoir être encore plus libres avec les dates, de s’arrêter quand bon nous semble et pour le temps qu’on veut, de découvrir un peu plus largement les pays visités. Ça ne veut pas dire qu’on regrette d’aller en asie centrale, au contraire. Ça aurait pu être deux voyages distincts espacés dans le temps, plus longs, pour prendre encore plus le temps de vivre le voyage à son rythme. Après cette première expérience, je comprends encore moins les pseudo tour du monde « saut de puces » où les pays s’enchainent sans lien. C’est un choix personnel et je respecte tout à fait ceux qui choisissent de le faire, mais je ne regrette absolument pas d’avoir fait le choix du temps et du « focus » sur une région du monde. Et si c’était à refaire, on irai encore plus loin dans cette philosophie du voyage lent.

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Alors, vous vous êtes allégés ?

Ça c’est la question que pourraient nous poser ceux qui nous ont croisé. Oui, parce que vous ne le savez peut-être pas mais nous sommes certainement les cyclistes les plus chargés de tous ceux que nous avons croisé 😉 N’allez pas en déduire que nous sommes de gros lourds, là n’est pas la question… mais il est vrai qu’on trimballe avec nous plein de trucs non essentiels à la survie, mais essentiel selon nous pour bien vivre ce voyage ! On a sans doute une tente trop lourde et trop imposante, sans doute des matelas trop confortables et du coup bien lourds, beaucoup trop d’ustensiles de cuisine, beaucoup trop d’informatique et de numérique, un oreiller trop gros, beaucoup trop de vêtements chauds, de quoi réparer tous les vélos croisés sur notre chemin et, en général, de quoi se nourrir en autonomie pour les 15 prochains jours, même quand on est en zone urbanisée… Mais vous savez quoi ? Ben, on n’a presque rien changé, parce que ça marche très bien comme ça !

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Prêts pour la suite ?

On sait que les mois à venir vont être bien différents et on est prêts ! Déjà, on va devoir composer avec la chaleur et ça, c’est difficile à vélo. S’adapter aussi à des mœurs et des cultures éloignées des nôtres qui nous demanderont un vrai effort d’adaptation et d’ouverture. On ne maitrise plus la langue des pays traversés, ce qui va représenter un vrai défi en terme de communication. Fini les passages de frontières où notre seule préoccupation tient à l’avenir de la gousse d’ail, maintenant, il nous faut remplir des tonnes de formalités administratives pour espérer obtenir des visas ! Alors que ça fait déjà 9 mois qu’on est sur les routes, on ressent aujourd’hui la même boule au creux du ventre, formée à la fois d’angoisse et d’excitation au jour de prendre ce nouveau départ vers le soleil levant.

« Ce n’est pas dans je ne sais quelle retraite que nous découvrirons : c’est sur la route, dans les villes, au milieu de la foule, chose parmi les choses, homme parmi les hommes. »

Jean-Paul Sartre

Let’s go…

7 réponses à “Alors, c’était bien ???

  1. C’est un texte que nous aurions pu écrire, tellement les attentes et les ressentis sont les mêmes (sauf qu’on trimballe aussi trop de fourbi, mais pas 15 jours de bouffe). Jusqu’au moment du re-départ, qui n’est pas seulement la continuité de ce qui a précédé, mais une découverte d’autres inconnus fort différents.
    Pour ce qui est de la chaleur, nous sommes arrivés sous le tropique du Capricorne et on peut vous rassurer : Pas moyen de pédaler aux heures les plus chaudes ! Et encore, ici sur la côte Est de l’Australie nous sommes dans un climat plutôt sec : Avec l’humidité en plus ça va sacrément se corser. Mais ça fait partie des joies du voyage, non ?

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  2. Pour ma part, trekker avec vous, en plus de m’avoir permis de me disputer avec toi Alice (Bah ouais ça m’est pas arrivé si souvent), m’a fait découvrir une facette de toi que je ne connaissais pas.
    Celle qui te donne des ailes quand tu sais qu’au bout d’un effort une récompense est à la clef. Aucune montée ne peut te résister dans ces cas là, et tu peux être difficile à suivre ! J’ai reçu une grande leçon d’humilité. T’es trop forte Alice !!
    Et Ben’ n’a pas à être jaloux des ânes, lui aussi peut porter pas mal de choses sur son dos 🙂

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    • Merci 🙂 tu connaissais déjà ma facette de femme de mauvaise foi, et tu as pu l’expérimenter! Ça m’a fait réfléchir ces petites engueulades et changer un peu… un peu seulement parce qu’il faut quand même dire que tu es chiant comme gars avec tes principes de m… 😉 bises !

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