Nature flamboyante et gelées arrogantes de Litang à Shangri-La

Deux transats en transit vers le Tibet et son air pur…

Nous quittons Chengdu en bus, sous une pluie battante, avec pour nouveaux compagnons de voyage Brigitte et Nicolas, qui sont partis de France il y a 7 mois et on déjà plus de 16000km au compteur et plein de belles découvertes à leur actif. Ce ne sont pas des débutants : c’est leur troisième long voyage, ça donne plein d’espoir ! Il faut deux journées pour rejoindre Litang, en passant par Kangding, car les bus de Kangding ne démarrent que le matin.

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Une fois dépassé le brouillard de Chengdu, des paysages de montagnes luxuriantes s’offrent à nous, ainsi que des cultures de thé en terrasse. C’est splendide mais on en profite assez peu, rattrapés par la fatigue et bercés par le moteur… Avec Brigitte, on se fait engueuler par nos voisins chinois parce qu’on parle. On est tous les 4 abasourdis ! Il est donc possible de suggérer à quelqu’un de se taire dans ce pays où tout le monde gueule à toute heure du jour où de la nuit ! On arrive en fin d’après-midi à Kangding et on tente notre chance pour trouver un véhicule privé qui puisse nous faire avaler dans la foulée les derniers km vers les Litang. Et c’est beaucoup plus facile que ce que l’on pensait ! Un mec accepte tout de suite, même en voyant les vélos, et nous invite à le suivre jusqu’à son véhicule. La marche à travers la ville commençant à s’éterniser, et voyant qu’il investit dans une seule sangle de très médiocre qualité pour tenir les vélos on commence à s’interroger. Brigitte n’est pas rassurée, car à l’aller, ils ont pris un véhicule privé qui n’était pas autorisé et les a « abandonné » en chemin. Faudrait pas que ça se reproduise en pleine nuit…

On arrive enfin sur un parking avec des tas de 4×4 et mini-bus. On est confiants. Notre homme sort alors des clés et entre dans une berline, type Astra, Laguna, ou C4, bref une voiture « normale ». On se dit qu’il la bouge pour sortir le mini van qui est derrière, mais que nenni, il ouvre le coffre et nous fait signe d’y mettre les bagages. Je vous laisse imaginer : un coffre normal dans lequel il compte mettre 8 sacoches de 20L, 3 gros sacs à dos de 50L et 2 vélos couchés. C’est Mary Poppins à la tibétaine le gars. Nicolas, qui arrive fort bien à comprendre et à se faire comprendre en mandarin après seulement 2 mois dans le pays, lui explique que ça ne passera pas. Mais le mec est sûr de lui, grands gestes et mimes à l’appui. Il suffirait de plier en deux les vélos ! Ah, la voilà enfin la brillante idée du jour : allons de ce pas faire découper le cadre ! Peine perdue, même découpés en 5, tout ne rentrerait pas dans ce coffre. Commence alors une séance d’essayage des véhicules présents sur le parking avec les mecs du coin. Ils ne sont pas toujours les propriétaires mais s’arrangent pour avoir les clés. C’est un échec, une déception, comme quand tu trouves un joli maillot de bain qui, quand tu l’essayes, te fait ressembler à une paupiette de veau. Soit on peut faire entrer les vélos et les bagages mais nous n’entrons plus tous les 4. Soit il faut mettre les vélos à même le toit, mais avec Ben on s’y refuse, c’est de la mauvaise route de montagne, ils vont frotter et être abîmés (s’ils ne volent pas dans le ravin lors d’un virage, vu les conducteurs nerveux et les sangles douteuses).

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Bon, il faut dire qu’ils ont l’habitude des trucs qui dépassent sur les côtés…

Donc on se ravise, et on retourne penauds à la station de bus acheter des billets pour le lendemain matin. On choisi de s’installer dans l’hôtel le plus cheap et proche à la fois de la gare routière, car le bus part aux aurores. Et au moment de la négociation, la gérante nous embrouille avec une nouvelle méthode que nous appellerons  « les chiffres et les lettres » : sur un petit tableau en bois derrière le comptoir, elle n’arrête pas de changer au fur et à mesure de nos discussions les petits blocs de chiffres qui forment les prix en face de chaque type de chambre. Et hop, la chambre standard passe de 180 à 120 puis à 150 quand on annonce qu’on veut l’occuper à 4. Même chose pour la triple, qui passe en même temps de 200 à 100 puis à 120, grâce aux gestes rapides et furtifs de la dame. On finira par partager à 4 une chambre triple à 120RMB, mais vu que l’encadrement de la porte ne tient plus, il n’y a aucune isolation et c’est un peu comme si on dormait avec tout l’hôtel.

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Deux transats à Litang, 4000m d’altitude

Chargement des vélos dans le bus, film niais, sommeil intermittent, route de montagne et sommets enneigés au loin, nous voilà arrivés en début d’après midi à Litang.

Benoit assure la maintenance des vélos en préparation du départ du lendemain, pendant que je m’attèle à visiter le monastère de la ville. Oui, je sais, je suis cool, j’aurai pu vouloir moi aussi passer l’après-midi à graisser les chaines, réparer une crevaison, régler les vitesses… Mais je n’en fais rien, je me retire pour mieux laisser tout le plaisir de ces tâches à Benoit. Ça s’appelle avoir le sens du sacrifice. C’est d’autant plus pénible pour moi que le monastère est vraiment paisible, magnifique et gratuit, les Moines y sont très sympas et viennent m’ouvrir les portes du temple. Avec ça, vous pourriez croire que je me suis fais plaisir…

Et le lendemain matin, c’est parti ! Presqu’une heure après Brigitte et Nicolas tout de même, car eux étaient hyper impatients de reprendre le vélo, ils avaient même faillit partir hier dans la foulée de l’arrivée du bus. De notre côté, on profite encore un  peu et on prend le temps d’aller au marché avant le départ.

Deux transats en route vers les sommets !

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Voici le profil de l’itinéraire de la semaine. Attention, ceux à qui je l’ai emprunté l’ayant parcouru dans l’autre sens, vous devrez le lire de droite à gauche, à l’irannienne :

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A lire de droite à gauche SVP (on descend en fait…)

Le premier col intervient assez rapidement, tout comme les problèmes techniques sur mon dérailleur. Incompréhensible : il a eu la chance de s’en occuper tout seul et c’est quand même mal fait !!!

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Au bout de la descente on retrouve Nicolas et Brigitte attablés au restaurant et on les y rejoint. On redémarre ensemble mais ce sera de courte durée. L’appareil photo ne reconnait plus sa carte SD ! Gros coup de stress, on pense que toutes les photos sont perdues. On fait alors ces trucs débiles que tu fais quand un truc électronique ne marche pas : sortir la carte, souffler dessus, la remettre, l’implorer… et ça marche ! Les cartes SD ont été mises à rude épreuve avec tous les passages de scan pour entrer dans les métros, stations de bus, et gares chinoises. Ici, ils sont sur les crocs niveau sécurité, c’est effrayant. Sachant en plus que le plus gros risque qu’ils encourent c’est de se mettre derrière un volant…

On commence l’ascension du second col dans l’après-midi. Les longues lignes droites assez raides laissent progressivement place à de très longs lacets, ce qui me va un peu mieux. Toujours est-il qu’on est crevés en cette fin de première journée, par la reprise du vélo, l’altitude (nous sommes aux alentours de 4000 mètres) et les restes de la pollution de Chengdu qu’on évacue à grands crachas, de vrais chinois.

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Pas facile de trouver un coin pour bivouaquer dans cette première partie de l’ascension, à flan de pentes rocheuses. Vers 17h, on croise un panneau plein de chichis qui annonce une plateforme d’observation et de services à 3km. Dans plateforme, il y a « plat », sans doute une de ces zones avec toilettes, terrasse à selfie et parking. On y croit, on met toute l’énergie qui nous reste dans un pédalage énergique, on fait le plein d’eau et… on aperçoit enfin le ridicule petit haricot en bord de route nommé pompeusement plateforme. C’est la désillusion. Heureusement,  à partir de là, les montagnes s’écartent créant quelques espaces plats en contrehaut de la route. On retrouve quelques centaines de mètres plus loin Nicolas et Brigitte qui finissent d’installer leur campement et préparent un feu bienfaiteur qu’on partagera avec délice avant de rejoindre nos duvets pour affronter une nuit bien froide à près de 4200 m d’altitude.

Deux transats et des pinpins

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D’ailleurs, au matin, l’intérieur et l’extérieur de la tente sont gelés. Mais comme la chaleur de nos corps emmitouflés réchauffe la chambre, le givre intérieur fond, rendant tout humides nos duvets. On prend le pari de tout faire sécher avant de partir. Nicolas et Brigitte prennent la route pendant qu’on attend désespérément que le soleil vienne lécher de ses rayons nos duvets qui patientent à l’extérieur et dont l’humidité est maintenant devenue givre. Le miracle se produit seulement à 9h30, alors qu’on désespérait et qu’on avait déjà tout remballé. Vite fait, on ressort les duvets, la tente attendra la pause de midi. Et c’est donc seulement vers 10h que l’on décolle. On atteint le col du Lapin, à 4640m sur le GPS, 4696 selon les panneaux, peu après midi. Il porte ce nom en raison de deux grands rochers qui forment des oreilles de lapin qu’on peut apercevoir au loin.

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En arrivant au sommet, je pose vite mon vélo et me positionne avec l’appareil pour filmer l’arrivée de Benoit. Une dame pas gênée se place juste devant mon appareil pour le filmer aussi. Oui madame, bien sur, je comprends, vous êtes prioritaire pour prendre en photo cet illustre inconnu, ne vous gênez surtout pas ! On se plie ensuite à une traditionnelle séance photo avec des inconnus, avec qui on se prend bras dessus/bras dessous, selfie à gogo et sourires jusqu’aux oreilles. On donne de notre personne et parfois on nous offre des bonbons en remerciement. On se décide à pique-niquer ici, mais en s’éloignant des vélos pour ne pas être trop repéré… peine perdue, un bus arrive et les gens qui en sortent viennent nous regarder manger et nous demandent de parler à la caméra alors qu’on a la bouche pleine, de faire coucou pour la photo alors qu’on a nos assiettes dans les mains, de venir poser alors qu’on est bien assis. Bon là, c’est vraiment trop, mais plutôt que de faire ce qu’on a envie de faire (faire comme si on les voyait pas, imiter un singe, faire une gueule de 6 pieds de long, faire un fuck, les idées ne manquent pas…) on reste zen, on essaye d’en rire et on replie rapidement le camp.

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Les gens ont souvent deux énormes reflex plein format munis d’objectifs tout aussi impressionnants. Et un smartphone pour des selfies à partager instantanément sur la toile

On redescend, et on entame immédiatement la remontée vers le second col, à la même altitude. Les doubles et triples cols sont légions cette semaine… Le décor est lunaire, nous sommes dans une vallée glaciaire.

En fin de journée, on change complètement de paysage en suivant un cours d’eau qui serpente rapidement sur des gros rochers ronds, au milieu de montagnes bordées de forêts de pins aux couleurs d’automne. Alors qu’on fait une pause, je me retourne, et je vois un mec affalé sur le vélo de Benoit en train de poser pour une photo. Comme Ben a le dos tourné et que le vélo est sur béquille, j’en déduis qu’il n’est pas au courant. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase, on monte tous les deux sur nos grands chevaux pour le dégager, il devient vite tout confus. En même temps, même en tenant compte des différences culturelles, comment aurait-il réagit si on s’était mis au volant de sa voiture sans lui parler, et surtout sans lui demander ?

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On est au bord de la crise de nerfs, on décide d’arrêter pas loin l’étape du jour pour se poser. De toute façon il ne va pas tarder à faire nuit. A la fin de la journée, on en a ras le bol du tourisme chinois décomplexé et sans gênes. C’est vraiment trop pour nos nerfs. Heureusement, dès le lendemain, notre route se séparera de cet axe touristique. Pour se détendre, on se prépare de délicieuses pâtes au parmesan (trouvaille de Chengdu) et on passe la soirée à faire fondre des guimauves au dessus du feu pour le dessert.

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On dormira en bas, au bord de la rivière

Deux transats balayés par les vents

La nuit est encore très froide, mais le pire, c’est la matinée. Tous les matins, entre le moment où le soleil se lève et le moment où il atteint l’endroit où nous sommes, les températures chutent jusqu’à -10°C. Tout ce qu’on avait pris soin de garder avec nous dans la tente pour la nuit gèle alors pendant qu’on replie et qu’on prépare le petit déjeuner. Ce matin, c’est particulièrement rude, les bouts des doigts de pieds nous font atrocement mal, transis de froid. Le soleil nous rattrape au moment où l’on prend le départ, mais ses effets tardent à se ressentir car nous sommes en descente. C’est la première fois de ma vie que j’aurai préféré démarrer en montée !

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Nous voilà exaucés, 12 km plus loin, la montée vers le col à 4715m, le plus haut du parcours, débute.

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On avance à bon rythme et on est de bonne humeur. On ne croise presque plus personne sur la route. A midi, on fait une pause pour grignoter, on a plus que 300 mètres à grimper, on est confiants. Mais pour les 5 derniers km, l’asphalte laisse place à de la piste, le vent se lève, de face la majorité du temps, et surtout, on fait face à un nouveau « faux col » : quand tu crois arriver en haut, ça redescend pour mieux remonter vers le vrai sommet. Le paysage est dégagé donc on apprécie l’effort.

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Mais en entamant les lacets vers le vrai col, on se retrouve confronté à un vent de face d’une puissance qu’on n’a jamais connue avant : il nous projette des cailloux et de la poussières en rafales violentes, qu’on entend débouler avec des bruits qui nous rappellent ceux que font les camions. Impossible pour moi d’atteindre le col sur mon vélo, le vent est trop puissant et me fait vaciller, je pousse les 50 derniers mètres et même comme ça je ne peux pas retenir mon vélo lors d’une nouvelle rafale.

On passe vite de l’autre côté, on pousse quelques centaines de mètres avant d’entamer la descente, doucement, vu la force des rafales. Au fur et à mesure qu’on descend le vent se calme et le paysage devient superbe : les arbres réapparaissent, on descend dans des gorges étroites et profondes bordées de cyprès aux couleurs de l’automne. On prend notre temps pour apprécier le paysage.

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Dans les gorges…

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En milieu d’après-midi on prend conscience qu’il reste 36 km à parcourir pour atteindre la ville. On pourrait bivouaquer, mais on n’a pas fait sécher la tente et avec tous les graviers et la poussière qu’on s’est pris au col, on aurait besoin d’une bonne douche. On accélère donc le rythme. La route est plus proche de la rivière, les gorges moins étroites et on croise de nombreux villages tibétains formés d’immenses maisons aux cadres de fenêtres graphiques et colorés. C’est une très belle route, on est frustrés de ne pas vraiment profiter de peur que la nuit tombe.

Et c’est ce qui nous arrive alors qu’on arrive à l’entrée de Xiangcheng. On envoie un message à Brigitte et Nicolas pour savoir où ils sont. Ils viennent aussi tout juste d’arriver et nous indiquent leur hôtel, au bout d’une longue et abrupte montée qui mène à la ville. Dans le noir, sans lumières, on s’y engage en se disant que c’est le décrassage de la journée… On arrive épuisés après plus de 7h de vélo, 96km et plus de 1200mètres de dénivelé dans la journée. Sans manger. On se paye tous les 4 un délicieux repas sichuanais, province que nous allons quitter d’ici quelques jours.

Deux transats en retraite tibétaine…

Nicolas et Gokben, deux voyageurs à vélo couché qui roulent quelques jours devant nous, nous ont indiqué un lieu à 30km de là avec un hôtel et des sources chaudes. Le genre de plan auquel on ne résiste pas et qui devient vite notre objectif du jour. Mais avant de partir, il faut réparer une nouvelle fois mon pneu arrière qui est de nouveau à plat. On arrive pas à trouver la cause, depuis plusieurs jours, c’est pesant. Brigitte et Nicolas préfèrent ne pas se reposer aux thermes car le temps des prochains jours est incertain, et le col qui nous attend est constitué de 75km de très mauvaise piste.

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On prend la route vers midi, on s’arrête dans un petit restaurant en bord de route où on discute avec quelques personnes pendant que la majorité des autres nous observe, on prend beaucoup de photos, on fait une séance d’essayage du vélo avec un monsieur un peu saoul, on croise un cycliste espagnol incroyable (il n’a que deux sacoches arrière alors que nous sommes à 4000 mètres d’altitude : il ne cuisine jamais, n’a que le minimum et vise toujours l’endroit le plus bas pour dormir sans avoir trop froid…), et on arrive finalement aux thermes vers 17h.

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On s’installe dans notre chambre et on fonce au bain chaud à l’arrière du bâtiment. Rapidement, un groupe de moines nous rejoint. Les bains sont très fréquentés par les habitants du coin.

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En plus du délice de l’eau bien chaude, le cadre est magnifique, on reprend des forces. Finalement, on restera dans ce petit village tibétain perdu aux pieds du col deux jours, pour se reposer, et éviter les mauvaises prévisions météo.

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C’est ici qu’on se repose

Notre précédente expérience entre Lanzhou et Chengdu nous a rendu un peu frileux, on attend que le temps soit au beau fixe. Pendant les deux jours, sans un véritable accès à internet, sans télé, on alterne entre des petites marches autour du village, lecture, écriture, tri des photos, et bien sur baignades de jour comme de nuit.

Le propriétaire des lieux est un ange qui prend grand soin de nous : il nous offre tout le temps des boissons (alcoolisées pour Ben, gazeuses et sucrées pour moi),  on partage le thé tibétain (thé avec du beurre de yak), nous prête sa cuisine et nous invite à prendre son riz et ses légumes.

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On cuisine aussi des Pancakes/crêpes, et on découvre que les chinois détestent ça ! C’est rigolo, tous ceux qui étaient là et en ont mangé ont eu un mouvement « physique » de répulsion, en plus d’un spasme du visage, comme si ils mangeaient des insectes ! Quand on voit tout ce qui se vend comme nourriture étrange en Chine, on imaginait pas que des crêpes puissent faire cet effet là !

Ces deux jours très reposants dignes d’une recup de sportifs de haut niveau. On est prêts à affronter les jours à venir qui s’annoncent difficiles.

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Notre hôte nous offrira une perle de son bracelet en cadeau, supposée être un oeil de tigre porte bonheur, pour qu’on arrive à avoir des enfants au retour. Parce qu’ici aussi, 30 ans, c’est trop vieux…

Deux transats poussiéreux mais bien heureux !

Samedi matin, grand soleil, on se lance à l’assaut de la piste poussiéreuse. Elle deviendra de plus en plus mauvaise au fur et à mesure de l’ascension.

Il y a en fait 3 cols à passer sur 50 km : le premier à 3900m, suivi d’une descente, le second à 4200m, et le troisième et dernier sur cette piste infâme à 4400m. On prend notre temps, et on prend surtout le temps d’apprécier les paysages grandioses dans lesquels on évolue, ce qui nous rend le moment moins difficile.

On mettra quand même deux jours à en venir à bout, et on dormira dans la descente à la fin du second. On croise des camions et des 4×4 de location. Des touristes chinois insisteront pour nous offrir un pack de huit canettes de café au lait froid, qu’on est obligé de refuser à cause du poids et des déchets que ça va créer. A la place, ils nous offrent à chacun une canette de café au lait, une canette de redbull, un paquet de gâteau et un paquet de cacahuètes. Sympa !

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On tentera de refiler les canettes vides à d’autres touristes en train de prendre des photos du paysage. Ils nous inviteront à les jeter dans le vide… Les bords de route chinois sont de véritables porcheries et déchetteries à la fois. C’est affligeant. C’est à la fois un manque de conscience écologique et un manque d’investissement des pouvoirs publics qui auraient pourtant les moyens d’agir : on a vu régulièrement des gens payés pour balayer les routes par exemple ! Balayer le bitume, pas ramasser tout ce qui traine autour… D’autres personnes, croisées aux sources chaudes quelques jours avant, nous donnerons l’adresse de leur guesthouse à Lijiang. Finalement nous n’irons pas à Lijiang mais c’était bien gentil de leur part.

La route est aussi sublime que difficile et on atteint le col en fin d’après-midi…

Deux transats surgelés

Après avoir dormi dans la descente du col, dans un virage, on se réveille encore une fois dans un paysage givré, dans une tente givrée. Et au creux du virage, difficile pour le soleil de nous rejoindre ce matin. On est frigorifiés, c’est difficile de se lancer sur des sièges gelés.

De retour à l’asphalte après quelques kilomètres, on fait ce que l’on a jamais fait jusqu’ici (à part pour une séance d’autodérision après la traversée du Sud Lipez en 4×4), on embrasse le bitume. Cette fois encore, on se marre, mais on est bien heureux aussi.

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Descente sur piste

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Et enfin l’asphalte !

Une nouvelle vallée, et rapidement un nouveau col. Les paysages sont toujours aussi agréables et époustouflants, le ciel toujours aussi rayonnant.

On roule en short et tee-shirt le jour, et le soir venu, on doit revêtir toutes nos épaisseurs. On repère un coin vraiment joli à quelques kilomètres du col (oui, encore un…) et on décide d’y installer notre bivouac. L’endroit est vraiment beau, avec une vue exceptionnelle sur le massif et la vallée en contrebas. Comme d’habitude par contre, c’est un mélange de porcherie et de déchetterie : bouteilles, mouchoirs, sacs… On est à 3800m, on a presque croisé personne aujourd’hui sur la route, et pourtant, tous ces déchets arrivent à s’accumuler sur chaque partie plane en bord de route. On essaye de cramer une partie des mouchoirs/PQ à l’occasion de notre feu de camp du soir. C’est toujours ça de moins dans le paysage.

Deux transats à Shangri-la

Shangri-La est à plus de 80km, ça nous dirait bien d’y arriver ce soir. Il y a encore un col au programme. Après une descente en lacets un peu givrée, qui vaudra à Ben une jolie chute, il s’est démis l’épaule mais l’a immédiatement ré-emboîtée en se tapant contre un arbre (note de Benoit : l’arbre est tombé, déraciné sur le coup). On roule bien sur une route qui monte et descend au milieu de petits villages à l’architecture de plus en plus hétéroclite. De petites maisons en bois remplacent les grandes maisons blanches en terre Tibétaine. Les toits sont de plus en plus souvent formés de tuiles et incurvés.

Quand on pense être arrivé au col du jour, en milieu d’après-midi, on ressent la satisfaction de ceux qui ont accomplit ce qu’ils avaient à réaliser, on est détendus, épanouis et fiers. On met nos vestes pour s’engager dans la descente, on se voit déjà vent dans les cheveux fonçant jusqu’à la Ville pour y rejoindre les couettes chaudes d’une chambre d’hôtel. Moins d’une minute sur ce mode, et un virage nous projette sur une belle cote. Trahison ! On pense que ce ne sera que provisoire, mais nous faisons en réalité face à un nouveau faux col ! On se rend petit à petit à l’évidence et on finit par enlever nos vestes pour transpirer sur cette dernière montée, vent de face bien sur. Et enfin, la descente salvatrice arrive, mais on s’y engage avec prudence, sans exulter cette fois. Benoit renonce même à remplacer son short par un pantalon, ce qu’il paiera cher jusqu’à l’arrivée à Shangri-La. Enfin nous y sommes !

Et pour fêter ça, on atterrit par hasard dans un petit restaurant tenu par un couple Franco-chinois, qui mêle cuisine western et produits locaux. Le meilleur hamburger de Yak du voyage se paye, mais quel plaisir ! Mousse au chocolat, vin rouge, on ne se refuse rien et on y reviendra même le lendemain ! Merci Marraine Dom pour le coup de pouce qui nous aura offert ces deux soirées de plaisir gastronomique !

Mais non, on les a pas mangé, c’est les chiens de la guesthouse !

A Shangri-La, on fait les activités habituelles d’un jour de pause : lessive, courses, photos et blog. On aura bien tenté de voir le fameux monastère de la ville sans se faire extorquer les 115 Yuans demandés par les autorités chinoises, mais en vain. Il aurait fallu emprunter un autre sentier, on s’y est engagé trop tard. On serait bien resté se reposer plus longtemps, même si le centre ville, coquet, n’est que boutiques en bois reconstruites depuis le grand incendie de 2014. Mais il nous faut 3 jours pour arriver au gorges du saut du tigre et la pluie est annoncée dans 4… Comme le passage entre les gouttes est devenu notre nouveau jeu préféré, on ne traine pas pour se lancer dans une splendide course contre les nuages dans des paysages grandioses qu’on vous racontera au prochain article.

Dans plusieurs villes chinoises nous avons assisté aux danses nocturnes sur les places publiques

Nota bene…

Vous aurez peut-être perçu dans cet article une pointe d’agacement vis à vis de nos amis chinois. Pas d’amalgame et de généralités ! Ce blog ne reflète que nos sentiments dans des situations particulières, avec des personnes particulières. On a choisit d’être « honnêtes » dans la retranscription de nos expériences, qu’elles soient bonnes ou plus désagréables. Mais on ne prétend pas dresser un portrait robot de la Chine et de la culture chinoise simplement à partir des quelques rencontres alors que la Chine compte plus d’un milliard d’habitants et des dizaines d’ethnies différentes ! Par contre, ce qu’on peut affirmer, c’est que depuis plusieurs semaines maintenant, nos nerfs sont mis à rude épreuve par le tourisme de masse, ultra consumériste et complètement décomplexé de la nouvelle classe moyenne chinoise, qui a explosé depuis 30 ans. Les comportements de ces touristes en bus ou en 4×4, qui viennent consommer du paysage et des expériences plus ou moins excitantes, nous considérant comme un élément de plus dans le décor qu’il faut à tout prix avoir dans ses souvenirs de vacances, nous mettent vraiment mal à l’aise et parfois en danger sur la route. Mais cette attitude n’a rien de commun avec celle des habitants des hameaux et villages que l’on traverse, qui sont beaucoup plus dans la surprise, la retenue et la gentillesse. Et c’est cette Chine là qu’on prend plaisir à découvrir.

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Les étapes en chiffres :

23/10

Litang

Montée du col (4113m)

57

4h32

+681

-533

24/10

Bivouac avant Sangpui

61

5h09

+829

-913

Deux cols à plus de 4600

25/10

Xiangchen g

96

7h21

+1219

– 2314

Vent dangereux au col

26/10

Hotsprings de Ranwu

37

3h50

+670

-379

27/10 et 28/10

Repos et attente amélioration météo

29/10

Ranwu

Virage 6km avant 2nd col

30km

5h07

+888

-228

Piste poussiéreuse et très caillouteuse

30/10

Virage dans la descente (7km avant asphalte)

41km

4h58

+729

-791

Piste encore plus caillouteuse

31/10

3 km avant le col (3800m)

40km

4h

+764

-758

Asphalte

belle route de corniche

01/11

Shangri-La

87km

6h22

+1010

-1505

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7 réponses à “Nature flamboyante et gelées arrogantes de Litang à Shangri-La

  1. Quel plaisir de lire vitre article qui me rapelle des souvenirs puisque nous avons emprunté plus ou moins lez mêmes routes mais en auto-stop…! Bravo à vous de rester en selles sur ces cols monstrueux! Il est vrai que c’est une région magnifique, dont nous gardons de bons souvenirs, malgré le vait qu’on n’a pas pu parcourir ces routes en vélo, le stop ayant son lot de surprise aussi! Bonne route pour la suite, les gorges du saut du tigre sont magnifiques aussi (on avait fait la rando sur 2 jours), et la route qui passe par Haba est splendide! Profitez bien! David et Marie (les 2 bretons à bicyclettes, vous vous souvenez? On s’était vu à Rennes à la fin de notre voyage et au début du votre!)

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    • On se rappelle fort bien ! Participer à votre arrivée a été un moment marquant pour nous ! On a d’ailleurs encore été mirer votre blog récemment. Pas de rando pour nous malheureusement à cause du mauvais temps, et pas de route par Haba à cause de la taxe de 20€/pers imposée pour emprunter cette route… Grrr… Vous êtes où maintenant ? Que devenez-vous ?

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  2. Dans ces hautes vallees inatteignables au commun des mortels avec leurs habitats marquants, on vit avec vous les bons et moins bons moments. vous avez supporte tant sans montrer le doute.Alors de la part de tous reunis ce we et maintenant disperses,vous nous apportez toujours autant . Nous voulons vous envoyer plein de bravos et de mercis !.pourvu que ces bivouacs glacantsau milieu des pics et des yaks et ces vents indignes emis par de gros dragons soient derriere vous ! tous ces accueils hospitaliers nous marquent aussi ! a tres bientot.on aime on aime. francoise camillou et eric!

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  3. Ah les amis que de belles photos, que vos écrits sont bien vivants et bien frileux….moi je ne rêve pas de me retrouver gelée dans mon duvet le matin….!!! Mais comme c’est beau, cette Chine rurale et son architecture Tibétaine. Bravo vous êtes de vrais warriors !!!
    Rassurez vous, les chinois nouveaux moyens sont tout aussi pénibles hors de chez eux et sans gêne aucune, c’est un peu déconcertant, comme vous dites on fait partie du paysage, donc « photografiables » quand EUX l’ont décidé et si vous êtes en train de vous soulager ça n’est pas un problème. Avez vous essayé les toilettes publiques chinoises où on partage la séance à plusieurs ?
    Ah question de Joël : A combien de crevaisons en êtes vous rendus ? (c’est bien une question de mec ça non ?) Contents de savoir de Nicolas et Godben sont encore en Chine, nous n’avons plus de nouvelles de ces deux là….sur leur blog.
    Et au passage grand salut à Marie et David vos fidèles lecteurs et nos « enfants de voyage »….On vous embrasse tous où que vous soyez….
    Irène et Joël

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  4. Les toilettes publiques chinoises, tout un poème ! On est toujours interloqué de voir ses jeunes filles hyper stylées y entrer sans un rictus de dégout, s’y poser e faire leur affaire smartphone à la main !
    Malheureusement nous ne tenons pas de comptabilité des crevaisons, sinon je pense qu’on aurait emporté une palme d’or ! On doit être autour de la 30 aine pour Ben, de la 20 aine pour moi. Pour des pneus dits increvables, ça laisse songeur ! Bises et bon courage pour la reprise du transat !

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  5. Toujours aussi plaisant à lire ! Le contenu des photos sont tout aussi magnifiques que les photos elles mêmes !
    Bon sinon c’est bien beau de crier au scandale de l’écologie, mais faudrait peut être que Ben’ commence à apprendre à maîtriser sa force pour ne pas déraciner les arbres quand il se remet l’épaule ! Ralalala… Ces voyageurs sans gênes…

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