Dernière étape en Chine ! 13 jours de vélo, des rencontres un peu folles, des gros soucis techniques, des éléphants… Et nous quittons définitivement le climat sec des montagnes pour plonger dans la végétation tropicale typique de l’Asie du Sud Est, qui ne nous quittera plus.
On se la coule douce à Dali
Nous restons deux jours à Dali, dans l’auberge dont Heimat, un hôte Warmshower, est le gérant. Il offre 3 nuits en dortoir aux cyclistes de passage. L’auberge est superbement décorée et agréable, les dortoirs ultra bien pensés. Nous en profitons pour nous reposer, pour visiter la vieille ville encombrée de touristes chinois, pour faire nos lessives et pour bien manger.

Pain frais, beurre salé et confiture, le rêve !

On participe à la photo de mariage. Ils ont du goût, c’est bien plus glamour comme ça !
Le restaurant de l’auberge est délicieux et il existe à l’extérieur des tas de petits bouibouis aux propositions culinaires plus alléchantes les unes que les autres.
Il est frais mon poisson, il est frais !
Le 16 novembre, nous reprenons la route à 4 en direction de Pu’er. La ville de Dali s’étend sur plus de 20 km et il nous faut nous extirper de son nouveau centre avant de pouvoir attaquer le col du jour, qui passe comme une lettre à la poste et nous offre de beaux points de vue sur le lac. Pour faciliter la compréhension de tous, le Benoit que vous adorez tous sera dans cet article surnommé «Chang Lee Brodi» et le Benoit de Virginie, Benoit Sel.

La nouvelle ville de Dali, une petite bourgade chinoise
En fin de journée, petite confusion collective au moment de chercher un point de bivouac. Difficile de concilier les envies entre le rêve du bivouac parfaitement isolé, l’envie de rencontrer des gens et le souhait de profiter encore un peu des lueurs du jours et de se poser tôt. Alors qu’on repère une petite maisonnette avec une pelouse parfaite et parfaitement arborée, et que Virginie et moi nous apprêtions à aller demander l’hospitalité, un monsieur en scooter nous invite à le suivre pour qu’il nous montre un coin. On se dit que c’est peut être une invitation, alors on le suit. Au fur et à mesure, le voyant regarder frénétiquement de droite à gauche tout comme nous pour trouver un endroit plat, on en déduit qu’il n’a pas de bon plan. L’idée se confirme quand il s’arrête à la première maison venue pour demander à ses habitants de nous accueillir. Eux sont bien gênés, nous aussi, d’autant plus qu’il n’y a pas de place pour notre tente géante. On comprend qu’on a les pieds dans le mauvais plan le plus fréquent du voyage, mais aussi le mieux attentionné, qu’on pourrait résumer par « attends je vais t’aider, on va perdre notre temps ensemble, ce sera bien tu verras ». Du coup, on remercie chaleureusement notre guide du jour, et on rebrousse chemin vers la belle pelouse.
En route, après une hésitation quant à un terrain plat mais pas très glamour (pour le coup, option heureusement repoussée par Virginie et Benoit Sel) on retourne à la petite maison dont les propriétaires acceptent avec plaisir de nous prêter un coin de pelouse. Mieux que cela même : ils nous installent un système électrique pour qu’on ait de la lumière, nous invitent à squatter la cabane en construction, et nous offrent des poissons fraichement pêchés dans le bassin accolé à leur maison. Il a l’odeur de la vase et est certainement plus chargé en pesticide que les vignes colmariennes, mais les gars ne résistent pas à l’appel du poisson grillé. Chang Lee Brodi procède alors à son premier abattage-dépeçage-cuisson de poisson, un vrai breton.
La jolie Weishan
Au matin, on reprend la route pour moins de 10 km et nous arrêtons pour flâner dans les jolies rues de Weishan. Un peu la même architecture qu’à Dali et Shaxi, mais beaucoup moins fréquenté. C’est très agréable.
A 14h, nous reprenons les vélos et grâce à une route majoritairement descendante, nous arrivons en fin d’après-midi aux pieds du col qui nous attend le lendemain. Encore un petit moment de flottement au moment de choisir un coin de bivouac : une carrière en contre-haut de la route ferait bien l’affaire mais elle est loin d’offrir un cadre esthétique. A 3 contre 4, nous validons quand même le bivouac dans la carrière, un choix de raison plus que d’envie. En Chine, en particulier par ici, il est difficile de trouver de bons endroits comme on les aime, plats, calmes, avec une belle vue et un point d’eau. En effet, soit tout est cultivé, soit habité, soit nous sommes sur de routes de corniches qui grimpent avec peu d’espace sur les abords. On propose de mettre le réveil plus tôt le lendemain pour affronter le col à la fraiche.

Le miel et les abeilles
Et comme d’habitude, quand on est plein de bonne volonté, rien ne se passe comme prévu ! A peine quittons nous la carrière que le guidon de Chang Lee Brodi lui reste dans les mains. Vous vous rappelez la pièce qui avait cassée en Iran, ressoudée à main nue par un papi providentiel ? C’est la même qui a lâché, mais pas à l’endroit de la soudure. Heureusement, entre-temps, notre constructeur Azub au SAV incomparable nous en a adressé une nouvelle. Pas besoin donc de chercher un soudeur de bon matin, il suffit de la changer, mais on perd quand même une bonne heure dans l’affaire.
Comme on a de l’énergie ce matin, on avance bien et on retrouve Benoit Sel et Virginie en pause avant l’ultime montée. A midi, on se pose dans un bouiboui dans un village situé dans la descente. La végétation commence à changer doucement. Les pins sont remplacés par des arbres aux larges feuilles, les bananiers font petit à petit leur arrivée. Les chapeaux pointus des personnes travaillant aux champs aussi.
On croise un apiculteur en bord de route, en plein travail. Comme on s’arrête pour le prendre en photo, il nous équipe tous les 4 de chapeaux et nous montre son travail. Le garçon est tellement gentil qu’il nous offrira même du miel fraichement sorti d’une ruche avant le départ.
Pour le soir, on trouve un coin de bivouac en bord de rivière. Le réveil promet d’être humide mais on apprécie la petite douche et le terrain plat !
Un samedi soir sur la terre…
Et en effet, le réveil est humide, mais la levée de la brume matinale nous offre un spectacle splendide.
Et en route…

On fait sécher tentes et duvets à midi

On trouve du pain frais dans un village, inespéré et délicieux !

On traverse des villes aux allées immenses et désertes, balayées tout de même…

On croise nos premiers régimes de bananes !
Le soir, poussé par un instinct surnaturel, Benoit Sel et Virginie repèrent une maison éloignée de la route et proposent d’aller y demander l’hospitalité. La dame, très gentille nous accueille immédiatement dans sa cour et nous propose de nous y installer. La tente de Benoit et Virginie est auto-portante et ils se mettent dans un coin. Mais la nôtre elle, est immense. Comme l’espace qu’il nous reste pour nous installer est en plein milieu de la cour, on a des scrupules à s’étaler et bloquer l’accès de tout le monde. En effet, les maisons s’articulent autour de la cour, comme un patio central. On décide donc de n’installer que la partie intérieure de notre tente, qui dans cette configuration prend moins de place. Mais grave erreur : sans le double toit, avec l’humidité ambiante à la tombée de la nuit, notre cocon se transforme en passoire !
Avant la nuit sous les gouttes, on passe une délicieuse soirée dans la famille. Des voisines sont venues pour cuisiner un repas commun. On contribue en préparant nos légumes, ce qui fait bien rire ces expertes de la cuisine au Wok, nous voyant tétanisées devant l’instrument. Le repas est excellent : omelette aux tomates, saucisse caramélisée, poule carbonisée (Benoit mangera le bec…), aubergines et concombres sautés (oui, on les mange chaud ici), cacahuètes grillées, et bien sur riz à volonté. On se régale et on est repu.
Comble du bonheur, notre hôte nous invite à utiliser sa douche chaude ! Après qu’elle est elle aussi prit sa douche, elle et ses voisines nous invitent à les suivre. Elle prend un sac de viande avec elle. Je ne sais pas ce qui nous passe par l’esprit à ce moment là, mais bizarrement, on s’imagine que, tous en pyjama, on part nourrir un animal parqué un peu plus loin. On se dit bien que c’est bizarre, mais tous les 4, on retient ce scénario comme étant le plus plausible. On passe devant une première maison : notre hôte y dépose son sac de viande. Bon, c’est peut-être là qu’est parquée la bête. Mais où va t’on ? Deuxième maison, on rentre et la propriétaire des lieux nous installe devant une table de jeu : le fameux Majhong ! Oubliez tout de suite le vieux tapis, avec de vieilles briques en céramiques peintes à la main. C’est le Majhong 2.0 auquel nous avons à faire : les briques sortent de la table toutes triées, en musique et en lumière, et les ordres sont donnés par le petit ordinateur central. Tout va très vite, on ne comprend rien aux règles, on a l’impression que ces dames les changent à leur bon vouloir. Autour de la table, ne se dégagent que des éclats de rires rendant curieux les voisins.
Après 3 parties endiablées lamentablement perdues, nous reprenons la route, en pyjama. On marche dans le noir sur cette route où passent camions et autos à toute vitesse. On retourne à la première maison, celle où on avait déposé la viande. Et on comprend que la grosse bête à nourrir, c’est nous ! A peine deux heures après le repas, c’est soirée barbecue ! Travers de porc, pilons de poulet, trucs roses étranges, courgette, tout est grillé et tout doit être mangé. Pas de bol pour Virginie qui est végétarienne et tente toutes les supercheries pour que personne ne se rende compte qu’elle ne mange pas. Enfants et adultes partagent ce moment avec délice. Même en étant pleins à craquer, on apprécie pleinement le moment, le partage et la gentillesse de nos hôtes. Un moment inoubliable. Un simple samedi soir sur la terre.
Le retour du colonel moutarde…
Au réveil, les ventres sont lourds et ont du mal à digérer tout cet apport carné très soudain. Malheureusement, au moment de partir, notre hôte est déjà aux champs et on ne dira au revoir qu’à son mari. Comme tous les matins, la brume masque les paysages et on avance un peu machinalement. On croise nos premiers buffles, signe que nous sommes bel et bien en train de changer d’écosystème.
Les animaux d’élevage sont assez symboliques de l’environnement traversé et de ses contraintes : Les gros yaks des hauts plateaux froids et secs ont progressivement laissé place à des yaks plus petits (qu’on surnommait yakvache), puis à de vrais vaches et maintenant, à des buffles, adaptés à la vie en zone humide et tropicale.
Ce soir, on dégottera le spot de bivouac idéal, sur une petite place commune dans un coin assez peu habité : plat, avec une petite table, un point d’eau et un bel arbre. Malheureusement, pour Chang lee Brodi et moi, la digestion de la viande de la veille ne passe toujours pas, et la soirée, la nuit et la journée qui vont suivre seront synonymes de crampes et de soucis digestifs.

Up and Down tropical
La route que nous suivons désormais est moins empruntée que les précédentes.
Le paysage est définitivement devenu tropical, avec ses bambous géants, bananiers, collines pointues, cours d’eau marron et terre ocre. La route est splendide et malgré un état de forme moyen, nous avons plaisir à pédaler. La route monte et descend sans arrêt.
Nous passons en fin d’après-midi un col et espérons trouver un coin pour se poser à partir de là. Seulement l’air est très humide et la zone très cultivée.
A l’heure où il serait temps de se poser, nous avons toutes les peines du monde à trouver un coin pour bivouaquer. Je ne suis pas motivée pour tenter une autre cour de ferme ce soir, car l’air est très humide ici et la perspective de dormir en se prenant des gouttes sur la tête toute la nuit, tout en étant pas en pleine forme, ne m’enchante guère. De toute façon, les habitants du coin à qui on demande l’hospitalité ne sont pas plus partants. A défaut, et juste avant que la nuit ne tombe, on s’installe dans un ancien séchoir à tabac en bord de route. Au final, c’est l’endroit idéal : on est est au sec, caché, à plat.
La crise du bivouac
Le lendemain, même profil de route. On arrive en fin de journée à Ninger qu’on dépasse.
On aura encore plus de difficultés à trouver un bon bivouac. Cette fois, nous demandons l’hospitalité mais elle nous est partout refusée, les gens nous indiquant des endroits tous plus pourris ou un hôtel dans la ville où l’on vient de passer à 10 km de là. La nuit tombe, les nerfs sont à vifs, on finit par se résigner à se poser dans un coin vraiment nul, sur un parking qu’on nous a indiqué devant un bâtiment qui ressemble à une salle municipale. Et c’est là que la magie des moments pourris fait de nouveau son oeuvre. Par hasard, Virginie appuie sur la poignée du bâtiment et se rend compte qu’il est ouvert. On se dit qu’on pourrait y dormir. Chang lee Brodi va demander aux voisins qui conduisent les deux Benoit chez le Maire. Celui-ci, en plein apéro, accepte et vient nous ouvrir tous les locaux. On aura donc une chambre par couple, isolée de l’humidité extérieure, avec table et chaises, s’il vous plait ! Et toutes les dames qui nous avaient repoussé quelques temps avant reviennent pour des selfies et pour nous proposer douche et eau chaude pour le thé. Tout est bien qui finit bien.

Et en prime, le grand spectacle de Chang Lee Brodi !
Pu’er, capitale du Thé et des bricoles
Le lendemain matin, un dernier col et nous voici rapidement arrivés à Pu’er pour le repas de midi.
La recherche d’un hôtel n’est jamais un moment agréable, mais on fini par en trouver un à bon prix, avec une chambre qui ne sente pas trop la vieille fumée de tabac. On avait décider d’y rester une journée pour se reposer, mais en fait, ce sera deux jours. En lavant les vélos au jet, on découvre des marques inquiétantes d’usure qui pourraient tout à fait nous clouer ici et nous obliger à des déplacements en bus pour les prochains temps. Un tour auprès des ferrailleurs et ateliers du coin, avec un chinois parlant parfaitement anglais rencontré en chemin, nous confirme que personne n’acceptera ici de tenter une soudure sur de l’aluminium. On est au fond du trou. Le mec qui nous accompagne me propose même de revendre mon vélo pour pièces, ici, maintenant ! Heureusement, Azub, informé de la situation, nous propose tout de suite une solution, mais qui nécessite une attente, éloignement géographique oblige. Comme on ne se voit pas du tout arrêter le vélo ici, on décide de continuer malgré tout, et de tenter une réparation de fortune avec de la colle Epoxy. On reste donc une journée de plus à Pu’er pour parfaire la réparation. Et comme on est inconscients et un peu stupides et à la fois, plutôt que de choisir la route principale qui passe par toutes les grandes villes, pour repartir, on choisit l’option B, la petite route de campagne. Celle sur laquelle on a aucune information et qui fait du yoyo perpétuel entre les montagnes.

Sinon, il y avait possibilité de changer de monture. Un trike chinois ?
Un barbecue au sommet
On reprend donc la route à deux, avec l’énergie et la bonne humeur de ceux qui mesurent le plaisir de faire ce qu’ils aiment faire alors que ça avait été fortement compromis.
On enchaine les montées sans souffrir et on termine la journée par un bivouac parfait, sur un terrain plat (qui ressemble à une carrière, il n’y a que ça de plat et dégagé ici, en bord de rivière, face aux montagnes).
Plus tôt dans la journée, en haut d’un col, une famille nous a invité à partager son barbecue ! Une fois encore on s’est régalé, sticky rice, patates douces à la braise, côtes de porc. Un vrai barbecue dont on se lèche encore les babines et des gens adorables.
Sur les traces des éléphants
Au réveil, le lendemain matin, nous constatons que des personnes viennent se baigner à côté de l’endroit nous sommes installés. Ils nous regardent avec interrogation et ne répondent pas à nos bonjour. Alors que Ben s’est momentanément absenté, pendant que je suis tranquillement en train de manger mon porridge, 4 hommes en treillis débarquent. Merde, on a été dénoncés… La tente étant rangée, tout ce qu’ils peuvent constater, c’est qu’on pique-nique ici. L’interrogatoire est un peu confus, je ne sais pas où ils veulent en venir. Ils me parlent d’éléphants et me montrent le champ de mais, juste derrière l’endroit où était posé la tente. Ah, en effet, il est tout piétiné. Bon, je leur explique que je n’ai pas vu d’éléphants. Ils entreprennent alors de fouiller mon sac, ce qu’ils commencent à faire sans me demander la permission. Je m’interpose, Benoit qui arrive s’interpose aussi. Ils contrôlent alors nos papiers d’identité, puis reprennent la fouille « contrôle de routine » calmement. Je n’y comprends rien : on commence par une mise en garde sur les éléphants pour finir par tout fouiller, ça n’a pas de sens. Alors qu’on a bien tout rangé en plus. J’ai les nerfs à vifs et je décide d’employer la méthode répulsive. Je commence par déballer les sacs de fringues en jetant en l’air culottes propres et usagées, mettant nos militaires bien mal à l’aise. Quand j’entreprends le même sketch avec les caleçons sales de Ben, ils mettent officiellement fin à la fouille et s’en vont en nous souhaitant une bonne journée. J’avais omis de leur demander leur carte officielle, et comme tout le monde ici est habillé en treillis, il n’est pas forcément intelligent de laisser n’importe qui fouiller nos sacoches bien remplies… Si Fred avait été là, il aurait suffit de brandir son tee-shirt à l’approche des autorités, elles auraient instantanément reculé. Bien pire que 3 culottes usagées et un caleçon de 3 jours.
Mais reste qu’en effet, des éléphants sont venus ici pour boire, visiblement. On reprend les photos prises la veille pour tenter de voir si c’est encore notre lourd sommeil qui nous a préservé du stress d’être entouré d’un troupeau d’éléphants au lever du jour, ou si les dégâts étaient antérieurs à notre venue. On pense que la 2e option est la bonne et nous ne verrons malheureusement pas d’éléphants sauvages. Là aussi le tee-shirt de Fred nous manque, on aurait sans doute pu observer grâce à lui tout un troupeau attiré par les phéromones.
Réparation de fortune 2.0
L’autre sujet d’agacement du matin, c’est la réparation de mon vélo qui ne tient déjà plus. On réfléchit à la meilleure stratégie à adopter. Le stop pour rebrousser chemin ? On tente 15 minutes mais peu de véhicules passent sur cette route et ils ne comprennent pas ce que l’on veut. Continuer comme ça ? Je ne suis pas du tout confiante. C’est là que germe le plan « ce cochon de Mac Gyver ». Non, esprits mal placés, il ne s’agit pas d’une partie de jambes en l’air avec une capote sculptée en bambous dans une cabane creusée à même la roche grâce à un explosif réalisé à partir des vapeurs de chaussettes et de vieux caleçons et allumé par le frottement rapide de deux pierres polies par le courant de la rivière. Non.
C’est plutôt de la colle epoxy, deux colliers de cerclage, une canette de redbull et ça donne un pansement de fortune bien moche et dégoulinant, digne des plus grandes réparations Tronesques (qui ne se souvient pas des joints de la douche du 1er étage, ou de la réparation des phares de la R5…). Il faut attendre plusieurs heures pour le séchage, donc on se pose dans un hôtel géant puant l’humidité après seulement 26km et Ben s’attèle à la réparation. Pour éviter que l’humidité ne nuise au séchage cette fois, les vélos dorment au sec avec nous dans l’hôtel.

Tea time
Et le lendemain, c’est reparti, avec un peu de stress quand même. La route est vraiment paisible, c’est agréable.
En milieu d’après-midi, en descente, on passe devant une boutique de thé où deux femmes sont installées autour d’une table, triant les feuilles. Nous sommes dans la région où se cultive le thé de Pu’er, mondialement réputé. L’image est magnifique, donc malgré le plaisir de la descente (un peu atténué par le fait qu’on doit passer notre temps à ralentir, pour ne pas prendre trop de risque avec nos vélos fragilisés) je m’arrête pour prendre une photo.
Et on découvre alors le fonctionnement des salons de thé chinois. Si un visiteur s’y arrête, on l’invite à la cérémonie du thé. Pas le temps de prendre la photo, la dame se lève, nous invite à nous assoir, et prépare du thé selon un rituel parfaitement précis et rodé :
le thé est disposé dans un petit bol, on verse de l’eau bouillante dessus.
A l’aide d’une petite assiette, on retient les feuilles et on verse le breuvage dans une petite théière en verre
on essuie la théière en verre sur un chiffon
on sert tous les invités dans de toutes petites coupelles. Mais interdit de boire ce premier thé, il est immédiatement rejeté à l’aide d’une petite pince dans un trou d’évacuation à même la table en bois vernis, réalisée à partir d’une tranche de souche de vieil arbre
rebelotte, mais cette fois on a le droit de boire le thé. Et a chaque fois, on est resservit.
A l’extérieur, la pluie commence à battre très fort. Notre hôte nous propose de rester pour la nuit dans sa famille, la cérémonie du thé durera donc tout l’après-midi. Thé blanc, thé noir, thé vieux… Elle nous ouvre une chambre à côté de la pièce où sont stockés tous les grands sacs de thé. L’odeur est prenante mais loin d’être désagréable. C’est ici que pour la première fois du voyage on va connaitre le poids de notre attirail ! Il y a une balance pour peser le thé et comme on ne l’a jamais fait jusqu’ici, on s’amuse à peser une par une les sacoches. Alors, combien ? Je comprends que le suspens est insoutenable, mais la réponse n’est pas pour tout de suite.
On partage un délicieux repas avec la famille, ainsi qu’une nouvelle cérémonie du Thé. Depuis qu’il est rentré, c’est le fils de la famille, le mari, qui s’occupe de nous. Ici, l’intergénérationnalité se vit à la maison. Parents, enfants et petits enfants vivent sous le même toit. Notre hôte nous raconte des milliers de choses en chinois auxquelles, bien sur, on ne comprend pas un traitre mot ! Heureusement, une application de smartphone viendra nous sauver en nous permettant d’échanger des sms, chacun dans sa langue maternelle, traduits à l’autre à la réception. Ouf !
Au matin, dans le doute, on prépare notre propre porridge. On ne sait jamais si on est invité à prendre le petit déjeuner où pas. Et alors qu’on est en train de manger, on est appelé à table : les restes de la veille, ainsi que de la viande de porc maison et du riz à profusion. Nouvelle cérémonie du thé. Nos hôtes nous en offrent deux beaux sacs remplis. On reprend la route pleins à craquer, autant le ventre que le coeur.
Le retour de bus tout puissant
Derniers kilomètres au calme de la très jolie S214 qu’on ne regrette pas d’avoir suivi, même si elle aura bien fait chauffer nos cuisses.
En fin de journée, on retrouve la route principale, dans une ville poussiéreuse et pas très avenante. Comme on a entendu dire qu’elle était en travaux sur une large partie, et que la poussière nous le confirme, on décide de prendre un bus dans la foulée pour nous avancer et retrouver une route encore plus blindée de trafic mais supposée en meilleur état.
C’est toute une affaire pour faire comprendre aux gens qu’on voudrait prendre le bus. Un gentil jeune homme tente l’appel à un ami qui parle Anglais, mais en vain, notre accent par téléphone rend la compréhension difficile. On finit par monter dans un tout petit bus local, qui charge nos vélos sur le toit. 65km et 1h30 plus tard, nous voilà arrivé à Mengla. Grosse prise de tête avec notre chauffeur, qui nous fait payer le double de ce qu’on pensait avoir convenu. Ben et lui en viennent presqu’aux mains. On se saura jamais si c’était une incompréhension ou du vol, mais vu son attitude ferme mais gênée, on penche pour la seconde.

Dernières heures en Chine
A Mengla, on s’installe à l’hôtel et on part déjeuner en ville. Ce sont nos derniers jours en Chine, on ne veut rien louper gustativement ! On choisit un stand de brochettes et nouilles sautées, un délice. La ville à l’air d’un lieu de débauche, d’un hôtel de passe géant. Des gens qui commandent des bières par pack, des prostituées devant les restaurants, c’est la première fois qu’on découvre la chine sous cet angle. Dans la nuit, à 2h30 du matin, on est réveillés par des cris dans le couloir : un bourré et une prostituée que les proprios essayent de virer, le tout dans un tapage à la chinoise. La route principale entre Mengla et Mohan, à la frontière, est sans intérêt, si ce n’est que d’économiser le prix du bus et la crise de nerfs qui va souvent avec. On se pose dans un hôtel à Mohan qui, pour la première fois depuis longtemps, inclut le petit déjeuner ! On ne le savait pas en négociant, c’est donc la très bonne surprise : pas trop cher, chambre au standard habituel mais… petit dej ! La première fois en Chine.
On est un peu tiraillés au moment de partir. Malgré ses contradictions et certains aspects franchement agaçants, la Chine nous aura complètement charmé. Et pas que gustativement. Un mélange de traditions et de modernité extrême, beaucoup de folies et de règles à fois, une vraie chaleur humaine mais un ethnocentrisme exacerbé. Deux mois et demi dans ce pays, les images et les idées filent dans tous les sens, on essayera d’en faire un bilan à tête reposée.

Les dessins sur les murs sont toujours très raffinés

Les poules aux pattes énormes

Cette dame qui nous invite à boire un verre d’eau dans sa maison bidonville, symbole s’il en fallait encore, de la chaleur et de l’hospitalité dont font preuve les chinois de la « campagne ».

On devrait tous avoir une chèvre dans nos sacoches
Dernier repas chinois le soir, on ne sait pas trop ce qu’on veut. Le choix du restaurant prend l’allure de dernier repas du condamné : on sait qu’on ne trouvera peut être pas aussi bon ailleurs qu’en Chine, on ne veut pas se louper. On se retranche sur un bouiboui sans prétentions, où ils servent des raviolis frais, au herbes. Et des légumes cuisinés au Wok. Délicieux ! C’est un excellent choix car un client viendra nous offrir en plus un verre d’alcool de riz, on se disait justement que c’était dommage de quitter la Chine sans y avoir gouté ! Pas de regrets donc, la boucle est bouclée, on peut partir ! A nous le Laos !
Magnifique. Je me suis refait une idée sur la Chine que je voyait comme une grande usine. Je vois que il y a toujours beaucoup de vie traditionnelle dans des petits villages ou petites villes. C’est très charmant la Chine en fait, je ne pensait pas.
On ne se connaît pas du tout, je suit votre blog juste parce que vous roulez en velo couché, puis j’ai pris l’habitude de vous lire avec mon café en regardant les belles photos pour oublier la grisaille des pre-alpes en hiver.
Je vous souhaite bonne route en attendant le prochain article 🙂
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Merci beaucoup ! Un peu de soleil laotien au coeur de l’hiver, j’espère que les pré alpes se sont couvertes d’un doux manteau neigeux entre-temps ! Merci de nous suivre ! 😊
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Merci pour votre récit ainsi que vos belles photos, impatient de voir la suite de vos aventures au Laos. j’ai vu que vous aviez eu des problèmes techniques, mais je n’ai pas bien compris ou cela se situait sur les vélo, est ce une soudure ? avez vous des photos ? ainsi que de votre réparation Mac Gyver 😉
Bonne continuation, enjoy !
Franck
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C’est le bras arrière oscillant. Je mettrai des photos au moment de la phase réparation, et une en exclusivité du travail de cochon 😉 qui a tenu ce qu’il fallait tout de même
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toujours tres touchés par ce récit qui nous emmene en voyage aussi,.Les chapitres et photos du mahjong, du barbecue, de benoit et la famille de producteurs de thé ainsi que l episode mac gyver appprecié par un fan d araldite nous entrainent en plus dans les plus forts moments que vous avez partages.Les recits vont nous manquer beaucoup , neanmoins ce delicieux voyage se prolonge de deux semaines dans vos familles en direct cette fois .bravo de francoise pour un tel regal.E:F!
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Salut les transat’
Ça faisait un bail que j’étais pas passé sur votre site, mais là, j’ai tout lu (oui, TOUT !). L’Asie Centrale a l’air vraiment super chouette … peut-être une future destination si je renfourche ma monture un jour.
Amusez-vous bien et profitez de l’Asie du Sud Est.
Si vous passez par Lyon en rentrant, j’y habite depuis quelques mois et vous serez les bienvenus 🙂
A+
Camille
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Salut l’ami Normand ! Tout d’abord, toute notre admiration face à ton courage et ta persévérance : la légende diffusée par nos proches amis affirme que la lecture de plusieurs de nos articles à la suite peut entraîner le lecteur dans un état de conscience altéré proche de la somnolence voir du coma… mais c’est les jeunes (oui nous sommes jeunes…) de nos jours, ils ne prennent plus le temps de lire, faudrait résumer 3 mois de voyage en 140 caractères et un #… Voilà. Nous ne pouvons que te conseiller de réenfourcher ta bécane, et encore plus en Asie Centrale. C’est vraiment extra, autant au niveau culturel, que des rencontres et des paysages fabuleux. Le voyage avec un grand V. Puis au retour on aimerait bien suivre les aventures toujours improbables du Camembert con Carne sur la route de la soie 😊 En tout cas si on passe par Lyon se sera avec plaisir qu’on viendra te voir ! A bientôt et tout de bon pour 2017 !
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